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L'atelier de Guy

fPMM atelier de Guy Seguin

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Guy Seguin : ancien charpentier de marine,  réalise pour occuper sa retraite, des modèles d’arsenal , auxquels il joint un commentaire anecdotique  et historique. Il a réalisé plusieurs expositions. Il demeure à Sausset-les-Pins près de Marseille et travaille actuellement sur les galères à Marseille

1° épisode

"La Barque Catalane"

​Ce modèle est exposé à l'escale Louvois de la marine de Toulon.

La barque catalane est sans doute le plus beau voilier de pêche du littoral méditerranéen. Cette embarcation d'environ 10 mètres gréant une voile latine (jusqu'à 90 m2).

Son pont a un bouge très prononcé pour évacuer très rapidement l'eau qui court sur le pont (elle peut gîter jusqu'au liston).

Ces caractéristiques font qu'elle permettait de faire face aux faibles brises de la méditerranée, au coup de vent (mistral et tramontane).

Elles étaient utilisées pour la pêche à la sardine (sardinal) et à l'anchois dont la salaison faite à Collioure avait une réputation international.

Comme tous les bateaux en bois, elles étaient amenées à disparaître, bien heureusement des passionnés ont crées des associations qui les font revivre.

Tous les étés de magnifiques expositions et régates font le plaisir des touristes et des populations locales.

Nous ne remercierons jamais assez tous ces bénévoles passionnés qui font revivre ces traditions séculaires.

Créé en 2010, en pays catalan dans la baie de Paulilles, financé par le conseil départemental, (il serait bon que Marseille s'en inspire, son indifférence avec ce patrimoine à malheureusement amené la fermeture du musée de la marine de la bourse !!!!!), l'atelier des barques catalanes redonne vie à la tradition.

Les bateaux étaient construits par des "meistres" d'Aixa.

Son bouge tellement important était appelé "Esquina d'Ase" (dos d’âne).

Cette barque était un bateau qui ne nécessitait pas obligatoirement de port. Elle pouvait être tirée sur les plages ; à cet effet 2 contre quille étaient posées sur le sugalbord ; elle conserve le gréement latin dans toute sa simplicité, la grand voile (la meistre) est enverguée sur une antenne qui pouvait atteindre les 16 mètres composée de 2 espars (le car et la penne).

Sur l'étrave souvent une pièce de bois pouvant servir à monter à bord quand on est échoué sur la plage et de raidisseur pour la sous barbe du bout dehors quand on veut gréer une polacre (foc).

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Je me souviens de l'horizon de Valras, rempli de ces voiles toutes blanches qui faisaient entre le ciel et l'eau une démarcation si gracieusement poétique.

Elles étaient là, voiles gonflées à la pêche à la traîne; cette période des années 43-44, était une époque où la voile était la remplaçante du carburant que les événements rendaient si rare.

Les pêcheurs, pourtant, comme les agriculteurs, recevaient des attributions de carburant (les tickets de bons et matières) pour exercer leur métier; mais de mauvaises langues disaient que s'il naviguaient si volontiers à la voile, c'était surtout pour revendre le carburant au marché noir, mais c'était surtout les mauvaises langues qui disaient çà, évidemment!

Ces bateaux font partie intégrante du patrimoine catalan, ceux sont des pièces exceptionnelles; les administrations régionales font tout pour les protéger; La catalane était fabriquée en trois points de la côte Vermeille, à Banyuls, Collioure et Barcarès; il se disait que les barques de Banyuls étaient plus rapides car fabriquées comme des oeuvre d'art (on disait cela surtout à Banyuls!)

La vitesse extraordinaire de ces fabuleuses barques, a permis à de nombreux contrebandiers de défier les bateaux des douaniers de la région et de leur échapper...mais chut!!!

En fait, cette barque est un trésor à l'âge de la civilisation méditerranéenne "El Lagut" comme on dit en catalan, porte fièrement cette voile latine gréement traditionnel utilisé depuis la fin de l'Antiquité. On trouve la représentation de ces voiles hautes et triangulaires sur les embarcations qui ont navigué sur tout le pourtour méditerranéen de l'embouchure du Nil aux rivages catalans et provençaux français et espagnols en passant par le Maghreb, jusqu'au début du XX°siècle.

Durant tout l'été de Barcarès à Cadaquès, les barques catalanes animent les trobades (rencontres); rien n'est plus beau qu'une voile catalane, déployée à la bonne main, donnant de l'élan et la glisse à ces barques en bois pouvant peser plus de 4 tonnes en dépassant les 7 noeuds.

Nous glissons à la gîte, le liston dans l'eau "ceux qui n'ont pas eu la chance de vivre cette sensation sont passée à côté du sublime!" A bord aucun bruit, nous écoutons fascinés par le délicat chuintement de l'eau glissant sur la coque, à bord, personne ne bouge, on profite de ce moment magique; le moindre mouvement risquerait de rompre le charme, c'est l'extase!

Hélas, le port est là... stop, il fait revenir à la réalité... dommage!

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2° épisode

Guy Seguin maquettiste arsenal FPMM

"Le Mourre de Pouar"

Je vous présente une charpente d'un bateau provençal qui se fabriquait et s'utilisait de Toulon à Sète "Le Mourre de Pouar" (museau de cochon en provençal), appelée ainsi par rapport au guibre sur son étrave, sans doute par nostalgie en pensant au guibre d'étrave qui ornait la proue des anciennes galères, comme le souligne Jules Vence dans son ouvrage de 1895.

La charpente exposée est celle du Mourre de Pouar "Le Saint Lazare", qui a pu survivre jusqu'à nos jours et qui est actuellement exposée au musée de Douarnenez.

Cette une embarcation de 25 pans (le pan = 0,25 m) à l'échelle de 1/10ème.

Dans l'ouvrage de Jules Vence, nous avons la chance d'avoir un devis de construction de l'époque (XIXème) :

coque et mature : 2 800 frs

voilure :   550 frs

grément :  150 frs

calfatage, peinture, accastillage : 1 500 frs

Total :   5 000 francs (fin 19ème)

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Le franc de cette époque correspond à 3,27 euros, ce qui nous ferait un devis actuel de 16 500 euros agrémenté de la TVA, bien sur …..

Le tracé de ces embarcations de petit tonnage était réalisé au gabarit de Saint Joseph, méthode qui utilisait 1/2 mètre couple (en simplifiant au maximum mon explication) et pouvait éviter le tracé de grandeur nature. Il était un objet précieux qui détenait toute la qualité spécifique de la construction et la marque de fabrique du chantier.

Le traçage était fait par le patron du chantier.

La solidité de ses varangues plates permettait de haler le bateau facilement à terre ; mais si ses varangues permettaient une solidité et une manœuvre de tirage à terre, elles n’étaient pas compatibles avec l’installation d’un bâti moteur et l’échantillonnage de l’étambot n’était pas fait pour recevoir le passage d’un arbre d’hélices et c’est essentiellement la cause de la disparition de ce modèle de bateau. D’autre part, le prix était beaucoup plus élevé que celui des barquettes construites par les charpentiers qui nous arrivaient d’Italie et surtout la barquette pouvait supporter l’installation du moteur.

A noter toutefois, que le Mourre de Pouar a servit comme bateau pilote pour le port de Marseille.

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La solidité de ses varangues plates permettait de haler le bateau facilement à terre ; mais si ses varangues permettaient une solidité et une manœuvre de tirage à terre, elles n’étaient pas compatibles avec l’installation d’un bâti moteur et l’échantillonnage de l’étambot n’était pas fait pour recevoir le passage d’un arbre d’hélices et c’est essentiellement la cause de la disparition de ce modèle de bateau. D’autre part, le prix était beaucoup plus élevé que celui des barquettes construites par les charpentiers qui nous arrivaient d’Italie et surtout la barquette pouvait supporter l’installation du moteur.

A noter toutefois, que le Mourre de Pouar a servit comme bateau pilote pour le port de Marseille.

3° épisode

La Barquette Marseillaise

Le modèle exposé est le modèle d'une barquette que j'avais réalisé il y a une trentaine d'année avec mon ami Jean-Claude Tolza.

Professionnellement, elle servait surtout pour les pêcheurs qui pratiquaient les petits métiers. Son origine assez récente a éliminé petit à petit la construction du Mourre de Pouar.

Elle est arrivée début 20ème avec l'immigration italienne, sa construction plus légère et surtout la possibilité de mettre un moteur à bord, a signé la disparition du Mourre de Pouar.

Nous nous souvenons des fameux chantiers de Ruopoulo et de son neveu l'ami Michel Gay, de Mesa, de Trapani et de Noguera.

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Une barquette marseillaise n’est pas simplement une embarcation, c’est une façon de vivre ;  c’est Marseille, le vrai Marseille, des gens modestes, qui le week-end, dans leur cabanon, passaient le dimanche en famille avec leurs amis.

La barquette était là, sous leur yeux, amarrée à quai ou bien en cabessaille sur son corps mort ; c’était le bien de la famille, du tous ensemble, des générations, des anciens, des minots qui étaient là, qui courraient sur le quai autour de la table du casse croute.

Et le retour de pêche !! avec chaque fois une nouvelle anecdote, aucune sortie ne ressemblait à une autre ; tiens, par exemple, une fois un gars avait mouillé sur mon caillou ; il avait dû prendre MES POISSONS ! Est-ce que vous vous rendez compte? un vrai scandale, il n’était pas d’ici sûrement ; peut-être un parisien ?? Le chemin du retour passait souvent devant la boutique du poissonnier mais c’était juste pour prendre un petit complément, bien entendu ….

La barquette portait des noms de chez nous : des gens de la famille, du petit dernier ou parfois du papé qui nous avait quitté.

Au printemps, les opérations d’entretien de peinture, de grattage de sous marine. Tous les collègues étaient là, le pinceau ou la gratte à la main.

Certain pris par le temps, confiait cette mission à des copains à la retraite qui arrondissaient ainsi leur fin de mois grâce à ces petits chantiers…… et les critiques fusaient !

Je me souviens d’une équipe de 2 collègues qui avaient la réputation de faire un travail bien et rapide ; certains jaloux, disaient, que la célérité, de leur travail, était dû à un énorme pinceau qui faisait la sous marine, d’un bord, d’un seul passage ! et d’autres, encore plus jaloux, disaient que leur pinceau était tellement gros, qu’il devait le porter à deux !!!!!

Pour la mécanique, il y avait pépé Louis, qui bricolait nos moteurs COUACH (mais vraiment bricolé !); nous l’appelions « Le père la burette », il avait la maladie d’asperger les moteurs avec de l’huile qui coulait dans le fond des bateaux et ses espadrilles pompaient allègrement ce surplus, ce qui permettait de le suivre à la trace ; son passage était marqué sur le quai et ne pouvait être confondu. Il fallait aussi prendre garde et ne pas stationner près de sa 2CV car l’arthrose, lui bloquant le cou, il reculait au bruit !

Evidemment le personnage le plus important était « Toine », le deus ex-machina de la grue ; il tirait les bateaux et on ne pouvait s’empêcher de s’angoisser de voir notre trésor de barquette pendu entre le ciel et l’eau ; angoisse vaine car la manoeuvre se passait sans incident. Il faut dire aussi qu’il y avait sous la grue « un grand nombre de conseillers » qui bien heureusement n’avaient droits qu’à conseiller et commenter surtout en ne touchant à rien !

Heureusement, les barquettes survivront ; il faut espérer que le plastique ne prennent leur place et ne les remplace.

Il existe le chantier Borg à Marseille qui peut les entretenir et en refaire si besoin dans la tradition bien sûr !!

Comme dit Monsieur Borg « la barquette est à Marseille ce que la gondole est à Venise » !

4° épisode

Modèle de Paillebot " El Nuevo Corazon"

Bateaux devenus la caractéristique du cabotage catalan du début du XXème, ces navires étaient construits, la plupart du temps, sur les plages des localités catalanes à même le sable ; bien construits par des maitres charpentiers dirigeant le chantier, ils recrutaient sur place leurs équipes du forgeron au scieur de long, calfat, menuisier. Ces équipes de solides ouvriers allaient de chantiers en chantiers en fonction de la demande dans leur spécialité.

Ils étaient construits pour les transports océaniques à destination des possessions espagnoles d'Amérique du Sud après que Cuba se libère des autorités espagnoles en 1898, le trafic diminue fortement avant de cesser définitivement.

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Pour leur nouvelle utilisation. leur gréement carré se transforme en gréement goélette plus propre aux transports méditerranéens et désormais sont appelés "des paillebots". Cette appellation est certainement la déformation phonétique de "pilot boat". Avec son gréement plus facile à manceuvrer et un port en lourd plus important, ils prennent petit à petit la place des balancelles gréées en latin et de capacité plus réduite (LLIAUTS et les Barcas de Mitjana).

Ces paillebots faisaient port à Port Vendres, Sète et Marseille. Leur cargaison était en grande partie constituée d'oranges en provenance de Valence ou Soller (Baléares).

On était obligé de recourir aux transports maritimes car les écartements de voies du chemin de fer espagnol étaient différents du reste de l'Europe et une rupture de charge nécessaire à la frontière ajoutait des frais.

 

Je crois me rappeler que cet kat de fait a perduré jusqu'à la mort du Général Franco.

 

Les oranges étaient chargées en vrac dans les bateaux et étaient déchargées à la main dans des couffins en alfa souvent par les femmes, si courageuses, des quartiers du port. Le bateau était relié au quai par un simple planchon souvent dune stabilité douteuse...

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Une partie de ces chargements d'oranges étaient a destination de I'usine PICON (cet apéritif avait été inventé par Gaston PICON  pour servir d'anti-paludisme aux troupes qui débarquèrent en Algérie en 1830).

 

Cette boisson devait contenir des zestes d'orange donc on devait peler les oranges pour l'usine et que pour rien ne se perde, on revendait bon marché ces oranges pelées que nous appelions des "picons".                                       

Les paillebots faisaient des rotations régulières entre Soller et les ports francais. Ils étaient empruntés par les families des habitants de Soller (ce qui est le cas de la famille de mon épouse) qui avaient le desir de s'installer en France, en Belgique et en Hollande pour ouvrir exclusivement des commerces de fruits et légumes. Ils faisaient venir en France des membres de leur famille pour travailler dans ces commerces qui nécessitaient des horaires de 70 a 80 heures par semaine. Ils travaillaient en confiance avec leurs compatriotes qui allaient et venaient de leur ile d'origine.

Nous avons eu à Marseille un très beau paillebot qui fut transformé en bateau restaurant. Cette majestueuse coque a coulé une nuit et le Marseillois, superbe voilier traditionnel a disparu dans les eaux du Vieux port.

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